Pourquoi le storytelling, c’est du bullshit ?

Les idées reçues concernant l’environnement de la marque et la manière de l’analyser

Quatre idées reçues concernant la formulation de la Raison d’être pour une marque :

  1. Première idée reçue : une marque se valorise uniquement à travers son Chiffre d’Affaires. L’analyse du “capital” de marque ne saurait se réduire à des items purement économiques, analytiques ou chiffrés. Comprendre une marque, c’est la considérer de manière hollistique, dans ses Imaginaires et ses Images (vous noterez la racine étymologique commune) ;

  2. Seconde idée reçue : il suffit d’une analyse sémiologique “classique” pour comprendre l’univers de marque. Nécessaire mais non suffisante, l’analyse sémiologique - qui fait émerger les marqueurs pertinents et porteurs de sens de la marque - doit aboutir au Sens de la marque, c’est-à-dire son symbolisme.

  3. Troisième idée reçue : on peut être tout à fait disruptif dans sa manière de communiquer. Les supports visuels (campagnes, publicités, Brand book..) et linguistiques (manifeste, édito, etc.) n’existent pas de manière indépendante. Ils sont une déclinaison individuelle d’un mythe fondateur commun.

  4. Quatrième idée reçue : on peut communiquer uniquement sur :

    • ce que l’on n’est pas encore (positionnement de demain),

    • la manière dont on se fantasme (plus que ce que l’on est réellement)

    • il suffit de s’inventer une belle histoire ;

      Beaucoup de marques et d’entreprises utilisent les signes, les mots et les symboles de cette manière : pour convoquer ce qu’ils ne sont pas. C’est la définition même du bullshit.

Pourtant, l’essence de la marque et de l’entreprise, c’est son Mythe fondateur

identité verbale, identité visuelle, émotions, nom et comportements internes à l’entreprise : autant de facettes de l’univers de marque connectées au Mythe fondateur.
Crédit Photo Pinterest caputtomndez

Il nous parait assez évident que les différentes identités de la marque ou de l’entreprise sont solidaires. Les supports et signes finaux (publicité, édito, etc.) ne sont qu’une déclinaison cohérente d’un socle commun.

Pour maintenir un niveau de confiance élevé avec ses clients et/ou consommateurs, il est nécessaire d’assurer une cohérence entre les différentes identités ci-dessous :

  • l’identité sociale et relationnelle : les comportements hiérarchiques en interne, mais aussi les dynamiques relationnelles avec les consommateurs, notamment ;

  • l’identité visuelle et métaphoriques : les imaginaires et les images (étymologies communes) construisent une partie de l’univers de l’entreprise ou de la marque ;

  • l’identité verbale et thématique construisent un récit structurant, qu’il convient de faire émerger puis d’interroger ;

  • l’identité thymique renvoie à la capacité de la marque ou de l’entreprise à transmette de l’information ;

  • l’identité personnelle apparaît à travers le nom même de l’entreprise, comme sceau symbolique ;

  • le mythe fondateur est l’essence même de la marque ou de l’entreprise : c’est son essence, son identité archétypale, à vocation universelle.

Participez au réenchantement du monde

S’interroger sur son mythe fondateur, c’est-à-dire sur le Sens qui infuse dans l’entreprise et à l’exteérieur, c’est participer au réenchantement du monde. Pourquoi ? Parce que c’est se reconnecter à son identité la plus profonde et parfois invisible ou inconnue : son mythe fondateur. C’est comprendre quels archétypes nous animent. C’est aussi partager un regard sur le monde, que l’on juge nourrissant pour le reste des Hommes. C’est d’ailleurs l’ambition de la formulation de la Raison d’être. Différente de l’entreprise à mission.

Qu’appelle-t-on un mythe ?

Nous partageons la vision du mythe de Gilbert Durand :

« La substance du mythe ne se trouve ni dans le style, ni dans le mode de narration, ni dans la syntaxe, mais dans l’histoire qui y est racontée. Le mythe est un langage ; mais un langage qui travaille à un niveau très élevé, où le sens parvient, si l’on peut dire, à décoller du fon- dement linguistique sur lequel il a commencé par rouler. »

Le mythe est composé de symboles opératifs : rencontrer un symbole peut changer notre vie, et rencontrer un symbole peut nous faire exploser (comme une divinité telle que le Christ, etc.). Le symbole est fait pour être le médiateur du mystère.

Une autre vision de la langue, davantage opérative…

Extrait du livre Anti-Bullshit :

Récapitulons :

1) la langue est tout à la fois matérialiste – elle décrit le monde dans une suite de phonèmes (sons), attachés arbitrairement et nécessairement à des concepts (idées) ; 2) mais elle est aussi malléable et toujours actualisée au travers de la parole des locuteurs, à la fois assez précise, normative et personnelle, pour que chacun puisse se réunir et partager ;

3) la langue est aussi le lieu de la vibration (sonorités des mantras en transe, par exemple) ;

4) enfin, la langue nous transmet des symboles, des éléments de sens qui nous échappent et nous dépassent.

… pour s’éloigner du storytelling fumeux !

Comme le rappelle Luc Bigé :

Qu'est-ce donc que le storytelling ? Une histoire à partir de l'exemple, de l'anecdote plutôt que l'exemplaire. Or le mythe est fondé sur l'exemplaire, c’est-à-dire les forces signifiantes. Au  lieu d'être un processus d'évolution et de transformation comme le conte (croissance, guérison, transformation), l'anecdote reconstruit un monde.

La principale conséquence de ces récits sans substances, c’est l’ennui, la répétition du même, la pauvreté émotionnelle. De ce point de vue là, le griot (connecté au sens) est opposé au storyteller (connecté à l’analyse). 

Il nous semble judicieux de ne pas limiter l’analyse sémiologique à une approche méthodique et analytique, mais au contraire, de la compléter par une mythodologie, relative au monde du Sens.

Elodie Mielczareck

ELODIE MIELCZARECK est sémiologue. Après un double cursus universitaire en lettres et linguistique, elle s'est spécialisée dans le langage et le « body language ». Également formée aux techniques de négociation du RAID et au neurocognitivisme, elle est conférencière sur le thème du non-verbal et de l'intelligence relationnelle, conseille des dirigeants d'entre-prise et accompagne certaines agences de communication et de relations publiques internationales. Très régulièrement sollicitée par les médias, elle décrypte les tendances sociétales de fond, ainsi que les dynamiques comportementales de nos représentants politiques et autres célébrités. Elle est l'auteure de Déjouez les manipulateurs (Nouveau Monde, 2016), de La Stratégie du caméléon (Cherche-Midi, 2019), de Human Decoder (Courrier du Livre, 2021), et de Anti Bullshit (Eyrolles, 2021).

https://www.elodie-mielczareck.com
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Sur Europe 1 avec Frédéric Taddéi pour Anti Bullshit

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Comment trouver et formuler sa raison d’être